Rencontre avec le légendaire maillot noir des ALL BLACKS
La première fois que j’ai enfilé ce maillot, je ne voulais pas le retirer. Je voulais contribuer à cet héritage de plus de 100 ans.
Richie McCaw
(All Blacks & Recordman du monde des sélections nationales)
Cette citation, extraite d’une interview à l’aube de l’éblouissante carrière de Richie McCaw résume bien la dimension philosophique et quasi-spirituelle autour de ce maillot. Plus que tout autre, ce maillot noir à la fougère argentée incarne la tradition construite autour de l’excellence et de la consistance. Dans ce pays d’environ 5 millions d’habitants, le rugby n’est pas qu’un sport, c’est une religion portée par l’insolente réussite des All Blacks.
La domination ALL BLACKS sur les autres nations majeures du rugby en % de victoires - Mai 2020
All Blacks
77 %
Springboks
62%
Angleterre
55%
France
54%
Pays de Galles
52%
Australie
51%
Argentine
51%
Irlande
45%
Ecosse
43%
Lions britanniques
42%
All Blacks
77 %
Springboks
62%
Angleterre
55%
France
54%
Pays de Galles
52%
Australie
51%
Argentine
51%
Irlande
45%
Ecosse
43%
Lions britanniques
42%
A ce jour, 7 nations sont parvenues à terrasser les ALL BLACKS en match officiel. Et si le noir n’est pas, au sens artistique du terme, une véritable couleur, il est plutôt une composition, une absorption chromatique comme si les porteurs de ce maillot se nourrissaient de l’âme de leurs adversaires. Ils ont bâti, génération après génération, une culture de la gagne, imitée, jalousée mais à ce jour jamais égalée.
Peu d’équipes jouent contre les blacks pour gagner mais souvent pour essayer de ne pas perdre. Pourtant, aussi doués soient-ils, ils restent des hommes avec leurs faiblesses et parfois leurs doutes. Le V de la victoire du XV de France en 2011 face au Haka en est la preuve. La France ne devait pas être là et n’avait rien à perdre. Ce jour-là, les ALL BLACKS ont gagné après avoir longtemps douté dans cette finale qui restera la plus indécise de l’histoire. Autre exemple, le sourire provocateur d’Owen Farrell lors de la coupe du monde 2019 est l’une des plus belles images de certitudes et confiance. Les anglais, sûr de leurs forces, écrasent les ALL BLACKS au terme d’un match à sens unique avant de perdre en finale.
Excepté peut être en Afrique du sud, chaque victoire contre les ALL BLACKS est considérée comme un exploit face à l’éternel favori.
% de victoires face au ALL BLACKS - Mai 2020
A ce jour, 7 nations sont parvenues à terrasser les ALL BLACKS en match officiel. Et si le noir n’est pas, au sens artistique du terme, une véritable couleur, il est plutôt une composition, une absorption chromatique comme si les porteurs de ce maillot se nourrissaient de l’âme de leurs adversaires. Ils ont bâti, génération après génération, une culture de la gagne, imitée, jalousée mais à ce jour jamais égalée.
Peu d’équipes jouent contre les blacks pour gagner mais souvent pour essayer de ne pas perdre. Pourtant, aussi doués soient-ils, ils restent des hommes avec leurs faiblesses et parfois leurs doutes. Le V de la victoire du XV de France en 2011 face au Haka en est la preuve. La France ne devait pas être là et n’avait rien à perdre. Ce jour-là, les ALL BLACKS ont gagné après avoir longtemps douté dans cette finale qui restera la plus indécise de l’histoire. Autre exemple, le sourire provocateur d’Owen Farrell lors de la coupe du monde 2019 est l’une des plus belles images de certitudes et confiance. Les anglais, sûr de leurs forces, écrasent les ALL BLACKS au terme d’un match à sens unique avant de perdre en finale.
Excepté peut être en Afrique du sud, chaque victoire contre les ALL BLACKS est considérée comme un exploit face à l’éternel favori.
% de victoires face au ALL BLACKS - Mai 2020
Transmettre la culture de la gagne
Les plus belles victoires se construisent physiquement par le travail mais aussi mentalement. Etre un ALL BLACKS a du sens, cela signifie faire partie d’une histoire, une belle histoire, celle des épopées victorieuses de leurs ancêtres et prédécesseurs. Ces récits sont relatés dans un livre que chaque nouveau ALL BLACK reçoit lors de sa première sélection et d’une cérémonie en son honneur. Des pages blanches laissent présager de nouvelles épopées à écrire aussi glorieuses que les précédentes. La notion de famille et héritage vivant préfigurent de l’engagement nécessaire pour honorer leur nation. Ils deviennent ainsi les garants de cette continuité culturelle, bâtie depuis 1903 pour écrire les nouvelles lignes de cette fabuleuse histoire en noir.
La nouvelle Zélande est l’un des seuls pays où le rugby est le sport national et les ALL BLACKS sont une priorité, un symbole de réussite aux yeux du monde. La Nouvelle Zélande regorge de richesses naturelles mis en lumière par les somptueux paysages du Seigneur des Anneaux, le film de Peter Jackson. Mais serait-elle aussi connue sans les performances des hommes en noir. Dans ce contexte, il est facile de comprendre pourquoi l’équipe et ses valeurs sont supérieures aux hommes, talentueux et victorieux mais éphémères. Ils sont comme dit précédemment juste une partie de l’histoire et cette histoire s’écrit aussi bien au féminin qu’au masculin
Le lien entre les générations de All Blacks
Depuis que je suis le rugby, des joueurs talentueux se sont succédés sans affaiblir un collectif bien huilé et les performances de l’équipe. A l’image des samouraï ou des maoris, les anciens accompagnent les jeunes comme une chaîne perpétuelle de transmission de savoirs culturels et sportifs comme un lien invisible et transgénérationnel. A la retraite sportive de Michael Jones, de Tana Umaga, de Christian Cullen, de Daniel Carter, d’Ali Williams ou Richie McCaw, les ALL BLACKS devaient être amputés de certaines références mondiales. Les hommes passent et le collectif continue de performer. Peu de nations sont capables de préparer et de gérer aussi efficacement ces transitions sportives.
Michael Jones a cotoyé Josh Kronfeld pendant 2 ans.
Tana Umaga, capitaine emblématique a accompagné le jeune Ma’a Nonu ( 21 ans) en 2003.
Daniel Carter s’est imprégné de la rigueur méthodique d’Andrew Merthens (un clone moderne de Grant Fox) et de l’imprévisibilité de Carlos Spencer pour devenir le meilleur marqueur de l’histoire et une légende du rugby. A son tour, il a partagé son héritage avec le diamant Beauden Barrett.
Les rugueux Ali Williams et Brad Thorne ont appris les rouages et les vices du métier à Sam Whitelock.
Sam Cane a grandi dans l’ombre de Richie McCaw pour devenir le nouveau capitaine des All Blacks.
L’échange intergénérationnel, ce mélange incessant de jeunesse, d’expérience et de continuité est un pilier du succès néo-zélandais.
Si les performances des néo-zélandais sont portées par les innombrables qualités individuelles des joueurs, c’est pourtant par leur force collective que les ALL BLACKS impressionnent le plus. Sûrs de leur force et imprégnés par la confiance, ils imposent le respect par la sérénité qu’ils dégagent dans presque toutes les situations. Chaque joueur aussi talentueux qu’il soit est au service de l’équipe, de son pays et de ses objectifs ambitieux.
Evidemment, le nombre de matchs a évolué avec la création de nouvelles compétitions depuis 30 ans (Coupe du monde, four nations, l’évolution du tournoi des 5 vers les 6 nations). Pour moi, le nombre de centurions du rugby (joueurs avec plus de 100 matchs internationaux) est révélateur des équipes misant sur la continuité. 3 équipes se distinguent et elles ont toutes le même point commun, les résultats de l’équipe nationale sont leur priorité.
Nombre de centurions du rugby – mai 2020
La formation comme priorité absolue
Le rugby est un sport de contact, c’est incontestable. Permettre à tous les enfants de jouer au rugby est un enjeu colossal. Pour y répondre, les Néo zélandais ont développé un mode de fonctionnement unique au monde : les catégories de poids. Il existe des différences de développement morphologique entre les enfants d’un même âge. Cette différence est d’ailleurs très marquée entre les enfants d’origine maoris, plus grands et plus lourds et ceux d’origine anglo-saxonnes. En conséquence, ces enfants aux capacités physiques hors normes, dominent une catégorie et relaient les autres aux rôles de figurants. Les éducateurs des écoles de rugby luttent pour résoudre les problèmes affectifs associés aux contacts. C’est l’une des plus grandes difficultés rencontrées dans l’apprentissage du rugby et l’une des principales causes d’abandon du rugby.
J’ai vu dans les écoles de rugby française des jeunes de moins de 10 ans très mobiles pesant plus de 55 kg ou mesurant plus d’1m60. S’ils marquent beaucoup d’essais, le manque d’opposition et d’adversité freinent leur apprentissage et génèrent des appréhensions justifiées chez d’autres jeunes joueurs. Dans un pays où le rugby est roi, cette initiative, prise depuis de nombreuses années, est une vraie réussite pour encourager les jeunes, indépendamment de leur gabarit, à jouer au rugby dans un environnement adapté. Si cela ne résout bien évidemment pas tous les problèmes, les catégories de poids sont une des réponses dans la mesure où chaque enfant aura une opposition correspondant à son développement morphologique et ses aptitudes rugbystiques.
Si les ALL BLACKS sont de magnifiques ambassadeurs du rugby en Nouvelle Zélande, elle reste un petit pays. Pour renouveler ses effectifs, il est capital de déceler et préparer les jeunes joueurs à revêtir le maillot noir.
L’école comme terrain de jeu
Les néo-zélandais sont au rugby ce que les brésiliens sont au football. L’école autorise l’usage du ballon ovale comme lien social entre les enfants dans la cours de récréation. J’ai été très surprise lors de mon voyage en Nouvelle Zélande de voir des enfants en uniforme, ballon ovale sous le bras prendre la direction de leur école. Cette différence est fondamentale et permet de mieux comprendre l’impact culturel du rugby sur les Néo-zélandais. Il n’y a pas de plaquage bien évidemment, tout est basé sur un jeu sans contact et d’évitement pour compenser les différences d’âge et de gabarit. Vision du jeu, sens du placement, répétition de passes sont autant de compétences développées en dehors du cadre du sport en compétition. C’est un gain de temps énorme pour les éducateurs. Ils peuvent se concentrer sur la stratégie et le jeu plutôt que sur l’acquisition des skills élémentaires.[
Mon premier haka en direct du Stade de France
Le 11 novembre 2000, j’assiste à mon premier France – Nouvelle Zélande, un match qui sent la poudre. Le dernier France – Nouvelle Zélande restera comme l’un des plus beaux matchs de rugby de l’histoire. Ce nouveau match se joue à guichet fermé tant l’on peut s’attendre à un fabuleux spectacle. Vexés par la débâcle de Twinkenham et leur défaite face aux bleus en demi-finale de la coupe du monde, les All Blacks rêvent d’écraser les Français devant leur public. Les équipes entrent sur le terrain et s’alignent pour les hymnes. God save New zealand résonne dans le stade soutenu par une poignée de kiwis ayant fait le déplacement. Un contraste brutal avec la suite. Aux premières notes de la marseillaise, le stade s’embrase repris en cœur par prés de 80000 spectateurs.
Aprés les hymnes …..
Une fabuleuse émotion. Pourtant, le meilleur reste à venir, Taine Randell, aujourd’hui remplaçant se positionne et il marche, ses co-équipiers autour de lui. Le silence avant la tempête, ses premiers mots grondent dans le stade, comme un appel à la guerre. Son message est sans équivoque, il ordonne à ses co-équipiers à se lever et à prendre les armes, son visage n’exprime ni compassion ni sympathie juste une volonté sans faille à lutter. En chef de guerre, il défit ses adversaires dévisageant les joueurs du XV de France. Soudain, les mains claquent sur les cuisses et sur la poitrine, porté par les micros, au son du Kamaté et se diffusent dans le stade. J’ai l’impression d’être à quelques centimètres de cette somptueuse danse guerrière. Les bras se lèvent fièrement pour honorer le soleil et demander la protection divine sur cette terre hostile. Le Haka gagne en intensité, le message vient du coeur, il s’exprime par une gestuelle et des attitudes. Je ne sais pas ce que tirer la langue signifie vraiment mais cela ressemble plus à une provocation qu’un message de paix jusqu’au saut final.
Quel régal !
Ma rencontre avec Jonah LOMU
J’ai, il y 20 ans maintenant, profité de ce match pour passer quelques jours à Paris et visiter la ville. A cette époque, les All Blacks sont l’un des thèmes centraux de la communication d’adidas. Alors que je venais de visiter le Louvre, je prends la rue de Rivoli en direction de Chatelet. A quelques mètres de là se trouvait la boutique Adidas, sponsor officiel des All Blacks. Imaginez ma surprise lorsqu’en approchant, j’ai pu voir un crane rasé et une houpette largement dépassés de la foule. Jonah Lomu en personne, la plus grande star du rugby à l’époque et Carlos Spencer prenaient un bain de foule et signaient des autographes pour leur sponsor. Je me glisse dans le magasin pour m’approcher de ces 2 légendes. Leur gentillesse et disponibilité m’ont clairement surpris, j’ai eu la chance d’échanger quelques mots avec eux et plus particulièrement avec Lomu, un colosse d’une extrême gentillesse. Une vraie et belle rencontre. Autour de moi, quelques maillots noirs mais surtout des supporters français aussi surpris que moi de rencontrer cette immense star, une belle image de respect et de fraternité.
Le premier Kapa-O-Pango
La traduction du Kapa o Pango
Laissez-moi devenir un avec ma terre
C’est notre terre qui gronde
Nous sommes les All Blacks
C’est mon moment !
Notre règne
Notre suprématie triomphera
Et nous atteindrons le sommet !
La fougère argentée !
All Blacks !
La fougère argentée !
All Blacks !
Le Kapa-O-Pango fut réalisé pour la 1ère fois en 2005 a Dunedin à l’occasion d’un match face aux sudafs. Ce Haka des grandes occasions est une magistrale illustration de ce que sont les All Blacks.
John SMIT, l’emblématique capitaine des Springboks dira après le match que faire face à ce Haka et le regarder pour la 1ère fois était un privilège.
L’intreview de Brian Liebenberg
12 sélections en Equipe de France (5 essais) dont 2 sélections face aux All Blacks
1 coupe du monde (2003)
Vainqueur du tournoi des 6 nations en 2004
3 titres de champion de France (2003, 2004 et 2007)
Devenu entraîneur à la fin de sa carrière, il est le créateur d’une méthode d’apprentissage du rugby très efficace et ludique. A découvrir sur https://www.playball.fr/
La chaîne Youtube de Brian Liebenberg : Playball en vidéo
Un grand merci à Brian Liebenberg pour sa contribution à cet article.
Que ressent-on en tant que joueur lorsque l’on fait face au Haka?
Lors de mon premier match face aux All Blacks, j’ai réalisé l’un de mes rêves de gamin. Si ce fut l’un des moments les plus intimidants de ma carrière et aussi un pur moment de bonheur. Pendant le Haka, j’avais l’impression que tous les joueurs me regardaient et j’ai vécu chaque seconde intensément de ce moment inoubliable.
Pourquoi les All Blacks sont-ils si spéciaux?
Les All Blacks ne restent pas sur leurs acquis, ils cherchent toujours à innover, à progresser. De ce fait, ils sont toujours en avance sur les autres pays. Leur rugby repose sur des bases simples mais parfaitement maîtrisées et exécutées. En tant que spectateur, c’est un régal de les voir jouer, ça l’est un peu moins en tant qu’adversaire. Ils se distinguent aussi par leur grande humilité, une autre raison pour laquelle ils sont si spéciaux.
Quel joueur néo-zélandais t’a le plus impressionné au cours de ta carrière?
Pour moi, Richie McCaw est le joueur néo-zélandais le plus impressionnant que j’ai rencontré. C’est un joueur de rugby hors normes, exemplaire par son engagement sur le terrain et par son comportement en dehors. J’ai joué 2 fois contre lui, il était vraiment très fort. Son immense carrière en est la preuve, l’un des meilleurs joueurs de rugby de l’histoire.
Quelles différences vois-tu entre le rugby français, sud-africain et néo-zélandais?
Le rugby sud-africain est un rugby plus rugueux basé sur le physique en général. Ils sont souvent grands et lourds, ce qui leur permet de dominer les autres équipes par leur puissance physique.
Les néo-zélandais sont beaucoup plus techniques. Tous les joueurs, quelque soit leur poste, ont un bagage technique très développé et cela dans toutes les situations de jeu. Comme je l’ai déjà dit, ils proposent un superbe spectacle.
Le rugby Français est plus émotionnel, il apporte un juste équilibre entre le physique et la technique. Le XV de France est une équipe capable d’exploits sur le terrain et de battre n’importe quelle équipe au monde. Ils l’ont d’ailleurs démontré de nombreuses fois!
Tu t’es reconverti dans la formation des joueurs, comment viens-tu en aide aux clubs et aux écoles de rugby aujourd’hui?
Oui, je travaille aujourd’hui avec des joueurs et des coachs. J’ai mis en place un programme d’entraînement appelé Catch and Think (attraper et réfléchir). Cette méthode développe les capacités attentionnelles comme la technique individuelle autour du playball, un ballon que j’ai conçu. Il rend le rugby simple et plus ludique, il fait travailler notre cerveau et sa réactivité de plus en plus impactée par le numérique.
Avec la même ballon, j’interviens en milieu scolaire, écoles de rugby, équipes professionnelles, centres de formation, auprès d’enfants ou d’adultes en situation de handicap et en entreprise. C’est un vrai plaisir de rencontrer et de transmettre ma passion à des publics très variés et leur donner du plaisir en jouant avec un ballon de rugby.
A découvrir sur www.playball.fr/