Il y a quelques années, un proche me racontait l’histoire de 2 joueurs juniors de rugby oubliés sur l’autoroute à l’occasion d’un déplacement sur la Côté d’Azur pour affronter le RRCN (le Racing Rugby club de Nice) aujourd’hui disparu. Un départ matinal pour un match à 13h30 en lever de rideau de l’équipe première où jouait à l’époque un certain Jean-François dit Jeff Tordo. Sur la route, l’aire de Lançon en Provence à proximité d’Aix accessible des 2 cotés de l’autoroute par une passerelle, allait accueillir notre jeune équipe pour une pause bien nécessaire malgré un timing serré.
Le consigne : retour au bus dans 15 minutes. Si certains finissaient leur nuit tranquillement en cherchant la meilleure position sur les sièges étroits du bus, d’autres sortirent pour se dégourdir les jambes, se restaurer ou simplement visiter les emblématiques toilettes de l’aire. Les 2 inséparables centres, aussi complices sur le terrain que dans la vie, furent de ceux-là et partirent à la découverte des recoins de l’aire hors des sentiers battus. Pendant ce temps, le coach, posté à l’angle des toilettes avec une vue sur les caisses, haranguait ses hommes pour qu’ils rejoignent au plus vite le bus avant de reprendre la route… 25 minutes plus tard. Cela aurait pu être pire.
La route reprit et les kilomètres défilaient, les joueurs frôlaient Toulon, Hyères, Saint-Tropez, Mandelieu, Cannes puis enfin Nice. Un casse-croûte vite fait et tous au vestiaire pour préparer le match. Pendant que les joueurs se changeaient, le coach annonçait l’équipe,
1, Loïc B, tiens ton maillot
2 Sébastien D, tiens ton maillot
…..
10, Nicolas R, tiens ton maillot
11, Sylvain R, tiens ton maillot
12, Franck D, il est où celui-là, toujours à traîner
13, Mathieu C, pas là non plus, ils me fatiguent ces 2 là, l’un d’entre vous a-t-il une idée de là où je pourrais les trouver. non ?
14, Jérémie M. Tiens ton maillot
On tapa à la porte, coupé dans son élan et espérant voir entrer le vestiaire nos 2 inséparables, le coach sourit. A sa grande surprise, un dirigeant de Nice venait de recevoir l’appel d’un salarié de l’aire de Lançon pour lui indiquer que 2 de nos joueurs nous attendaient patiemment au retour. Silence général dans le vestiaire, les yeux rivés sur le coach, les joueurs attendaient ….
L’histoire retiendra un petit remaniement de dernière minute et quelques repositionnements, un 3ème ligne avec le 13 dans le dos, on peut y croire mais un talonneur avec le numéro 12, si on peut hurler à la faute de frappe, sur le terrain cela peut vite se voir. Le score du match, personne ne s’en souvient comme par hasard mais le retour des guerriers et l’arrêt obligatoire à l’aire de Lançon, les a tous marqué.
Nous sommes à la fin des années 90 à une époque où le téléphone portable apparaissait avec son lot d’avantages et d’inconvénients. Une de ces innombrables histoires de rugby.
Le livre La constance des autoroutes
Il y a quelques mois, Laurent Pardo, écrivain, journaliste et dessinateur de presse me contacte pour illustrer la couverture de son nouveau livre.
Homonyme d’un illustre joueur, Laurent n’en reste pas moins un passionné de rugby. Après quelques présentations de rigueur, il me dévoile rapidement le thème central de son nouveau roman, La constance des autoroutes. Cette histoire impossible d’un joueur de rugby international oublié sur une aire d’autoroute. Sans qu’il ne le sache, elle faisait écho avec le récit que je vous ai raconté précédemment.
Le style d’écriture de Laurent est très singulier, à la fois dynamique et authentique, un rythme quasi-musical mais souvent syncopé. Il parle de la vie, des gens, des hasards, si t’en ai qu’ils existent et surtout des rencontres. De ces moments qui jalonnent notre vie, un instant, un moment ou un peu plus longtemps mais qui nous marquent profondément et à jamais.
On y parle d’amour avec un grand A mais aussi d’amour charnel, d’amour d’un soir et d’une vie. A la lecture de ces pages, on se laisse bercer par ces personnages hauts en couleurs, par d’autres plus anonymes que personne n’aurait remarqué, tous ont un parcours de vie singulier qui les amène aujourd’hui à cet endroit précis. Un chemin que chacun explore avec passion ou avec ennui, équilibré ou au bord de la rupture, choisi ou subi. Laurent nous montre à travers ce livre que le bonheur n’est pas nécessairement là où nous le croyons et que parfois tout peut basculer en un instant. En soit, tout ce qui rend la vie si volatile et si fascinante.
Un livre paru en juillet 2022 avec les Hello éditions
L'interview de Laurent Pardo
Laurent PARDO, pourrais-tu te présenter ?
J’ai aussi joué au rugby à l’Union Bordeaux Bègles, qui s’appelait encore le C.A.BEGLAIS, de poussin à junior, on a été champions de France minimes en 1980. J’ai arrêté à cause d’un drame familial. J’ai joué aussi plus tard, en rugby corpo pour l’équipe de Thomson.
Comment t’es venu l’envie d’écrire ce livre?
L’envie d’écrire LA CONSTANCE DES AUTOROUTES m’est venu lorsque je me suis rendu compte que les aires d’autoroutes (avec boutique) étaient comme des îles, des lieux enclavés où il est possible de vivre puisqu’on y trouve à manger, à boire, des vêtements, des WC, des douches, etc. Alors j’ai trouvé amusant d’imaginer quelqu’un qui deviendrait un « habitant » d’une aire d’autoroute. Dans le cas de mon roman, il s’agit d’un joueur de rugby de l’équipe de France, amnésique suite à un coup reçu lors d’un match, que ses coéquipiers en autocar oublient sur une aire de repos. Ne sachant pas qui il est ni comment il s’est retrouvé là, mon personnage décide de rester sur place en attendant qu’on vienne le chercher ou que sa mémoire revienne.
Quels messages cherches-tu à faire passer dans ce livre ?
Je n’ai pas cherché à passer de messages dans ce roman. S’agissant d’une comédie, il est fait seulement pour divertir et amuser les lecteurs.
Comment mon tableau Passe sur un pas s’est-il intégré dans ce projet ?
Ton tableau PASSE SUR UN PAS, je l’avais remarqué sur ton site internet, car je cherchais sur Google un tableau sur le rugby pour ma couverture. Il était idéal car très beau, d’abord, mais aussi par le fait qu’il n’y avait pas de visage. On ne doit jamais montrer le visage d’un personnage pour un roman, afin de laisser le lecteur se construire sa propre imagination. J’ai d’ailleurs été fasciné par le reste de ton travail, pas seulement pour le rugby.
Qu’est-ce qui t’as plu dans mon travail artistique ?
J’aime la puissance de tes couleurs, leur vivacité. J’aime aussi le travail très raffiné du flou. Et surtout, cette formidable maîtrise du mouvement qui fait que tes tableaux semblent animés d’une folle énergie.
De nouveaux projets ?
Mon nouveau projet, hormis celui d’adapter LA CONSTANCE DES AUTOROUTES en un scénario de mini série de 6 épisodes pour la télévision ou les plateformes comme Netflix, est un roman intitulé LE VOL MUET DU JAVELOT. Il s’agit également d’une comédie divertissante qui se déroule dans une tribu en Afrique qui chasse encore au javelot. Débarque alors dans le village un français prétentieux, opportuniste, vénal, un peu raciste et plein de préjugés, qui essaie, en vain, de recruter leur meilleur lanceur de javelot pour l’envoyer aux Jeux Olympiques.
Interview réalisé par Lucie LLONG, un grand merci à Laurent PARDO pour sa disponibilité.