Jacques Salomé
Il y a près de 2 ans débutait un projet profondément humain : permettre à des résidents d’un EHPAD de découvrir les arts plastiques.
Bien plus qu’une simple activité pour les seniors, ce projet avait pour ambition d’offrir aux résidents de l’EHPAD Montcervier de Vic-le-Comte l’opportunité de créer eux-mêmes la décoration de leur nouveau lieu de vie. Financé par la Fondation des Hôpitaux, il visait à impliquer pleinement les résidents dans une aventure artistique, collective et valorisante.
Ce fut, pour moi, l’occasion unique d’associer ma casquette d’artiste à celle d’infirmière, afin d’accompagner une vingtaine de résidents dans la réalisation de près de 40 toiles.
Le défi était immense. Pour la plupart, ils n’avaient jamais tenu un pinceau, et beaucoup devaient faire face à des difficultés cognitives et / ou motrices. Je garderais cependant en mémoire leur engagement, leur enthousiasme et leur créativité qui ont donné naissance à des œuvres sensibles, colorées, pleines de vie.
Un grand merci à Myriam Chavarot, M Pineau et à toute l’équipe de l’EHPAD pour m’avoir fait confiance sur ce projet. Un grand merci à Olivier Soudière pour son implication dans ce projet et ses magnifiques photos. Assurément, vous verrez la différence entre les siennes et les miennes.

Les bienfaits de cet atelier
Lutter contre le déclin cognitif
Bien vieillir, c’est aussi entretenir ses facultés mentales. La pratique artistique mobilise la mémoire, la concentration, l’attention aux détails et la capacité à faire des choix. En stimulant ces fonctions, l’atelier agit comme un véritable exercice pour le cerveau.
Améliorer la motricité.
Peindre, coller, découper ou tracer sollicite la motricité fine. Ces gestes, parfois simples en apparence, permettent de maintenir ou de retrouver une coordination main-œil, de renforcer les muscles des doigts et d’améliorer la précision du geste, même en cas de handicap.
Stimuler l'estime de soi
Créer une œuvre, c’est exprimer quelque chose de soi. Dans cet atelier, chaque résident ayant participé a pu se sentir capable, utile et reconnu. Voir son travail exposé, recevoir des encouragements, être valorisé… tout cela renforce la confiance et ravive la fierté personnelle et collective.
Plutôt que de réaliser des œuvres individuelles, nous avons choisi de travailler sur des créations collaboratives. Chacun, en fonction de ses sensibilités et de ses habiletés, a apporté sa contribution : une couleur, un détail, un outil. Une façon pour chacun de dire quelque chose, à sa manière, sur la toile.
Quatre thématiques avaient été définies en amont : la potée auvergnate, le plateau de Gergovie, les animaux de la Comté et les paysages du Puy-de-Dôme.
Avant de commencer, il a fallu expliquer les objectifs du projet, présenter les matériaux que nous allions utiliser et leur mode d’emploi. L’acrylique, en particulier, était une découverte pour la plupart d’entre eux. Ils connaissaient la peinture à l’huile, parfois l’aquarelle, mais rarement cette peinture à base de résine. Pour beaucoup, l’art était un lointain souvenir d’enfance, lié aux cours d’arts plastiques de l’école. Ce projet marquait donc une vraie reprise de contact, une nouvelle étape.


D’autres outils ont aussi suscité leur curiosité : le fusain, la gomme mie de pain, les brosses plates. Des matériaux nouveaux, inhabituels. Les supports eux-mêmes représentaient un défi : de grandes toiles, parfois plus grandes qu’eux, qu’il fallait investir, remplir, oser.
J’ai dû m’adapter aux situations de handicap : fauteuils roulants, impossibilité de se tenir debout, mains ankylosées, troubles de la vision ou de l’audition. Parler plus fort, plus lentement, proposer d’autres gestes, adapter les outils.
Chacun a trouvé sa place. Chacun a laissé une trace. Et pourtant, au début, nombreux étaient ceux qui disaient : « je ne sais pas dessiner », « je ne sais pas peindre ». Ces phrases ont accompagné les premières séances, puis elles se sont peu à peu effacées. Le doute a laissé place à l’envie. L’enthousiasme a pris le relais.
Ce projet a été, pour tous, un chemin. Une manière de créer ensemble, sans pression, en faisant avec ce que l’on est, ce que l’on peut, ce que l’on ressent.
Les fondamentaux de cet atelier en EHPAD
Stimuler la mémoire
Posez de nombreuses questions :
– Qu’avez-vous peint lors de la séance précédente?
– Quel est votre pinceau préféré?
– Quelle couleur aimez-vous utiliser?
Améliorer sa motricité
Le travail du pinceau ou du couteau permet à la main de gagner en dextérité, en aisance, en précision. Au fil des séances, les gestes sont devenus plus sûrs, plus justes, plus maîtrisés.
Encourager le travail collaboratif
Dans cet exercice, le travail à plusieurs mains est de rigueur. Chacun, en fonction de ses habiletés et de sa sensibilité, viendra apporter sa pierre à l’édifice… ou plutôt, en l’occurrence, au tableau.
S'amuser bien évidemment
Bien évidemment, le plaisir de dessiner et de peindre est l’un des piliers de cet atelier, fondé sur la participation volontaire de chacun. Et je peux vous assurer qu’il n’y a pas d’âge pour s’amuser.
Développer la créativité
À partir des 4 sujets proposés, chacun a pu exprimer ses idées individuellement et collectivement. Les thématiques ? Le patrimoine ( à la fois naturel et bâti ) du Puy-de-Dôme, des animaux de la Comté, et bien sûr la potée auvergnate.
Embellir son cadre de vie
Se sentir bien chez soi, construire son environnement, choisir sa décoration… C’était aussi l’un des défis de cet atelier : permettre à chacun de contribuer à la décoration de ce nouveau lieu de vie, d’échange et de rencontres.
Le vernissage et la découverte des toiles accrochées
Après plus d’un an de travail, les toiles étaient prêtes. Vernies, accrochées, prêtes à être dévoilées. Le vernissage a marqué une étape. Il a permis de rassembler tous ceux qui ont rendu ce projet possible : les résidents, leurs familles, les amis, les équipes, les partenaires. Et bien sûr Myriam, qui porte ce projet depuis le premier jour.
Les participants étaient fiers. Fiers de montrer ce qu’ils avaient créé. Fiers d’emmener leurs proches dans les couloirs, d’une œuvre à l’autre, pour expliquer, raconter, montrer. Et cette fierté continue. Encore aujourd’hui, certains n’hésitent pas à guider les visiteurs à travers les tableaux, avec enthousiasme.
Ce vernissage réalisé directement au sein de l’EHPAD Montcervier a aussi été l’occasion de découvrir une autre exposition, celle d’Olivier, autour de la nature sauvage de la Comté. Une rencontre entre deux formes d’expression : la photo et la peinture. Deux regards posés sur un même territoire, entre couleur, interprétation et poésie du détail.
Les photos du projet
Ce moment de partage n’est pas une fin. C’est un commencement. D’autres projets avec l’EHPAD de Montcervier sont déjà en préparation. Ils continueront à tracer des chemins. Vers la mémoire, vers la création, vers les autres.