Un voyage vers la mémoire parce qu'elle s'efface ....
J’ai eu l’immense privilège de participer à un projet devenu concret autour des seniors et de la mémoire. Il vise aujourd’hui à sensibiliser aux maladies dégénératives, comme Alzheimer, et à réfléchir à des solutions permettant d’en atténuer les effets sur les personnes malheureusement touchées.
Un projet né d’une rencontre, qui trouvera dans quelques jours sa pleine mise en lumière : avec la diffusion au cinéma du film réalisé sur le voyage de Luc (point de départ de cette aventure artistique) et la présentation, lors du Rendez-vous international du carnet de voyage de Clermont-Ferrand (une référence du genre), de la magnifique création conçue par les résidents de l’EHPAD Montcervier de Vic-le-Comte, en présence, bien évidemment, des véritables artistes : les résidents eux-mêmes.
L’étape suivante sera la diffusion d’un film retraçant la réalisation de ce carnet de voyage, créé par les résidents avec mon accompagnement artistique.
Les événements à venir
Et si je devais résumer ce voyage vers la mémoire en quelques mots ....
Solidarité
Parce que les familles en ont besoin... j'aurais aussi pu utiliser le mot soutien
Action
Il n'y a rien de pire que de ne rien faire.
Dignité
Se fixer des objectifs, travailler en groupe et collaborer, aider pour donner du sens, rallumer la flamme et être utile.
C’est souvent une épreuve qui nous pousse à agir. Et c’est bien de là qu’est parti ce dessein à vélo, d’un EHPAD à un autre, réalisé par Luc en soutien à sa belle-sœur, Elise Tomietto, dont la maman est touchée par la maladie d’Alzheimer.
De cette idée un peu folle au premier abord est né un autre projet, dont la vocation est de mieux comprendre, de sensibiliser et d’associer le sport ou du moins de l’activité physique ou culturelle à cette cause.
De cette aventure est née l’association Un voyage vers la mémoire, qui a pour finalité la sensibilisation, la prise en charge et, nous l’espérons, le soutien à la recherche et l’accompagnement des malades et des familles.
Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore l’association, elle vient tout juste de fêter son 1er anniversaire.
En outre, si vous êtes sensible à cette cause et que vous souhaitez en savoir plus sur ses actions et /ou la soutenir, rendez-vous sur :
👉 https://www.helloasso.com/associations/un-voyage-vers-la-memoire
Les différentes étapes de ce voyage vers la mémoire
Le périple en vélo de Luc
Il fallait bien un point de départ à cette histoire et aux actions de l’association.
Ce fut 700 km à vélo, de Vic-le-Comte, dans le Puy-de-Dôme, jusqu’en Normandie, en passant par quatre EHPAD, à la rencontre des résidents, des malades, des familles, des soignants, et de toutes celles et ceux qui œuvrent dans l’ombre pour lutter contre les maladies dégénératives.
Toucher du doigt les difficultés de toutes ces personnes, non pas seulement les entendre, mais les ressentir, les vivre, pour reprendre les mots de Luc Veyssiere. Un voyage vers la vérité ou du moins une vérité, tragique, inéluctable pour certaines personnes mais qui mérite aussi toute notre attention et notre soutien.
La conception du carnet de voyage
Nous sortions, avec Myriam Chavarot, animatrice à l’EHPAD Montcervier, d’un projet visant à décorer le cadre de vie des résidents par des tableaux qu’ils avaient eux-mêmes créés à découvrir sur le lien suivant : Le projet décoratif
L’idée était alors de repartir sur un nouveau format : un projet autour du voyage, un thème qui m’anime profondément, et d’accompagner ce groupe de seniors curieux et en quête de sens, de reconnaissance et d’objectifs. Leur travail m’avait bluffé alors allons-y.
Sur ce projet, il a fallu faire preuve d’une grande agilité : au-delà de la peinture et du dessin, il fallait écrire, décorer, réfléchir, adapter… Adapter le contenu aux capacités cognitives et motrices de chacun, tout en préservant le plaisir de créer.
Nous avons basculé vers une approche collaborative, où chacun contribuait à la hauteur de ses envies, mais aussi de ses possibilités motrices et cognitives.
le carnet de voyage
Une fois les pages dessinées, décorées et écrites, il fallait relier le tout.
Pour cela, j’ai fait appel à Françoise Soupel, une artiste que je connais bien, et qui manie les mots, le pinceau et les reliures avec une aisance rare.
Le résultat est surprenant, authentique, et, à ce jour, je n’ai encore jamais entendu parler d’un projet semblable.
L’ultime étape se profile dans les prochains jours, avec la participation au Rendez-vous international du carnet de voyage de Clermont-Ferrand.
Nous y tiendrons un stand, animé, au moins en partie par les véritables artistes de ce travail : les résidents de l’EHPAD Montcervier.
Ces artistes s’appellent Simone, Daniel, Pierrette, Danielle, Marie, Odile, Pierre, Gilberte, Suzanne ou Huguette. Tous ont participé, avec cœur et talent, à la conception de ce projet unique.
Entretien croisé avec les différents protagonistes de ce projet.
Portait de Luc Veyssière
À l’initiative de cette idée sportive, Luc est ingénieur et a souhaité accompagner sa belle-sœur, Elise dont la maman est atteinte de la maladie d’Alzheimer et son frère, Franck dans cette épreuve. Le message est simple : vous n’êtes pas seuls.
Luc est aujourd’hui co-président de l’association Un voyage vers la mémoire.
Luc, avant même de parler du défi sportif, j’aimerais te demander : qu’est-ce qui t’a vraiment poussé à te lancer dans ce projet dans un 1er temps et cette idée de carnet de voyage dans un 2ème temps ?
J’ai voulu m’accorder un temps pour prendre conscience de l’épreuve que vivent mon frère et ma belle-sœur. Prendre une semaine de mon temps, comme pour éponger leur quotidien. J’entends de loin ce qu’ils vivent, mais faire ce chemin à vélo vers eux, c’est assimiler, comprendre, visualiser et se préparer pour accueillir leurs difficultés à l’arrivée. C’est une façon de leur montrer notre considération et leur rappeler que l’on est présent même à distance.
C’est aussi une démonstration pour mes enfants et mes nièces de la valeur famille.
L’idée du carnet de voyage est en vérité, une transformation de l’idée originelle. Je voulais lier sport et stimulation cognitive. Je ne suis pas compétiteur ; aussi, je voulais montrer que le sport, ce n’est pas que de la performance. Ce peut-être un vecteur de rencontres et d’échanges sur un autre terrain de jeu. Je ne suis pas familier avec l’art, quel qu’il soit, car je ne comprends pas facilement ce que l’artiste a voulu faire passer. Un peu décomplexé, j’ai voulu sortir de ma zone de confort, en proposant à Myriam l’idée de peintures retranscrites, à partir de descriptions vocales. Elle m’a rapidement dit que ce ne serait pas possible par l’ampleur, que représentait un tel projet (vous sortiez tout juste des peintures qui décorent aujourd’hui l’établissement). J’ai concédé avec un peu de déception. Nous avons alors décidé de réduire la voilure par un format plus petit, à travers le format carnet de voyage. Ce format m’est venu du souvenir d’un voyage en Mongolie avec un couple d’amis, pendant lequel notre amie avait tenu un journal quotidien. J’avais également apprécié ma visite au rendez-vous international du carnet de voyage l’année précédente. Ce format permet de mélanger dessin et/ou peinture et l’écriture – qui pour moi – est plus simple comme vecteur d’émotions. Au cours de la discussion, j’ai lancé la blague de présenter ce carnet à la prochaine édition du salon. Myriam a mordu. Nous avons quelque part transformé la performance sportive en performance cérébrale. Je me suis retrouvé aligné.
720 kilomètres à vélo, en plein mois de novembre, c’est un vrai défi. Qu’est-ce qui t’a donné la force de pédaler jour après jour, dans le froid, la pluie, parfois même la neige ?
Je ne l’ai pas vécu comme un défi. J’ai été accompagné tout du long. Je n’ai senti que très peu la solitude. La force m’est venue d’Elise qui m’a proposé des étapes en EHPAD. Elle m’a confié que cela lui permettrait de se confronter, à ce qui s’annonçait comme la prochaine étape pour sa maman, comme un purgatoire. Je ne pouvais pas faillir. Je me devais d’être présent à ses côtés. La pire météo pour moi aurait été le vent. J’ai eu la chance de ne pas y avoir été confronté. J’avais déjà fait l’expérience de la pluie, de la neige et de la nuit à vélo. Ces expériences passées m’ont permis de ne pas appréhender ces conditions.
Tu t’es arrêté dans plusieurs EHPAD, pour échanger avec les résidents et les équipes. Quelles rencontres ou échanges t’ont particulièrement marqué, humainement ou émotionnellement ? Peux-tu nous raconter un moment fort, une parole ou un sourire que tu n’oublieras pas ?
Je n’oublierai pas mon entrée dans le 1er EHPAD visité, car c’était la première fois pour moi que j’entrais dans un tel établissement en étant accueilli par des résidents. J’ai eu une démonstration de vitalité, d’envie, d’attente, de sourires, de joie … etc. J’y ai rencontré du personnel gracieux, bienveillant et investi. Une proximité immédiate s’est installée avec les résidents.
Et puis, j’ai pu faire la visite de l’unité protégée avec Nora, la responsable de vie sociale. J’y ai croisé des malades d’Alzheimer, le regard vide. Mais Nora m’a affirmé qu’ils avaient beaucoup à donner. Pour preuve, elle s’est approchée d’une dame dans son fauteuil et lui a tendu la joue : cette dame lui a fait un bisou. J’aurais aimé faire de même, mais ma pudeur m’en a empêché.
Au second EHPAD visité, nous avons également pu visiter l’unité protégée. Pour ne pas avoir de regret, je me suis cette fois-ci lancé. Je me suis approché d’une dame en pull marinière et me suis laissé saisir la main. Ce fut éprouvant, car j’ai senti comme de la détresse, de l’égarement. J’ai maintenu un sourire pour l’apaiser. Elise est venue m’aider.
Avec Élise, tu as fondé l’association Un voyage vers la mémoire. En quoi le sport, l’art et la solidarité se sont-ils rejoints dans ce projet ?
De mémoire, c’est Elise l’instigatrice de l’association. Je me suis laissé guider. Nous nous sommes constitués ainsi, pour la crédibilité et la pérennité de nos projets.
Le sport, c’est le point de départ, le prétexte, le vecteur, un point commun avec mon frère. Lui est plus sport d’équipe, moi je suis plus sport individuel, mais nous nous retrouvons sur la course à pied ou le vélo. Nous connaissons et partageons les difficultés de ces efforts.
Ce n’est pas moi qui ai mis le mot solidaire sur le projet ou l’association. Moi, j’ai juste fait un signe de la main. Pour moi, elle est le fruit de notre rassemblement. Elle est intrinsèque à ce que nous proposons, comme tout autre association. Si les gens perçoivent cela, alors tant mieux, car je pense que la démonstration de la solidarité engendre la solidarité chez l’autre en retour, et nous avons en besoin pour nous retrouver.
La solidarité, je la vois comme une qualité qu’il faut exercer pour bénéficier de ses bienfaits, car la solidarité, ça apaise.
L’art, c’est la cerise sur le gâteau ! C’est un moyen de rassembler davantage, de fédérer différents univers. C’est inciter l’ouverture, décloisonner et permettre à des personnes non sportives de s’exprimer à travers ce projet. Le dessin et/ou la peinture sont enseignés dès le plus jeune âge : c’est donc un moyen d’intéresser plusieurs générations et de créer du lien.
Si tu devais résumer cette aventure en une image ou un mot, que choisirais-tu ?
Agir
Et toi, comment as-tu vécu notre collaboration dans la création du carnet de voyage ? Qu’as-tu ressenti en découvrant la manière dont les résidents a traduit ton aventure à vélo et les messages que tu voulais faire passer ?
Surprise, je vais le découvrir au rendez vous du carnet de voyage
Un carnet de voyage a été réalisé ainsi que 2 films, le rendez-vous du carnet de voyage de Clermont nous accueille, comment vois-tu la suite de cette aventure ?
L’ambition première de l’association est d’utiliser ce film et ce carnet, comme des outils pour aller au contact des malades, des aidants et/ou des professionnels : proposer du divertissement en introduction, pour ouvrir ensuite sur des échanges. Le but est de créer un moment de liberté de parole et d’écoute. C’est aussi l’idée de montrer qu’il n’y a pas d’âge à la création, à la stimulation et pourquoi pas susciter d’autres initiatives. Nous sommes tous amenés à vieillir et nous supporterons d’autant mieux les années, si nous sommes intégrés socialement. Incitons les gens à pousser les portes de ces établissements.
Personnellement, je me questionne sur mon/ma rôle/légitimité en tant qu’intervenant dans cette mission. Je n’ai pas l’expérience directe du quotidien des malades ni des proches. Je peux recueillir, mais je n’ai pas de témoignage à apporter sur ma propre expérience. Mon rôle est peut-être de proposer d’autres itinéraires ou façon de voyager, et retranscrire sous d’autres formats.
Je me questionne et chemine mais je fais confiance aux rencontres à venir, qui m’éclaireront peut-être, … car jusque-là, tout ce qui s’écrit n’est que le fruit de rencontres opportunes.
Portait d’Elise Tomietto
Femme active et bien ancrée dans son époque, Élise a été touchée de plein fouet par la maladie d’Alzheimer. En effet, sa maman en a été atteinte de manière précoce. Cette maladie, omniprésente et bouleversante, laisse souvent un sentiment d’isolement, ressenti non seulement par les malades mais aussi par leurs proches, souvent seuls face à la situation, entourés seulement des soignants.
De ce constat, et à la suite d’un défi lancé par Luc, son beau-frère, Élise a co-fondé l’association « Un voyage vers la mémoire ».
Une initiative porteuse d’espoir, née de la volonté de dire à toutes les personnes concernées : « Vous n’êtes pas seuls. Nous comprenons, et nous allons essayer, ensemble, d’aider ceux que la maladie touche. »
Élise, comment est née l’idée de ce projet “Un voyage vers la mémoire” ? Qu’est-ce qui vous a poussée, toi et Luc, à transformer une épreuve familiale en une action collective et solidaire ?
Le point de départ vient de Luc. Un jour, il nous a appelés, Franck (mon mari) et moi, pour nous dire qu’il souhaitait venir en Normandie à vélo, afin de nous témoigner son soutien face à certaines épreuves que nous vivions en tant qu’aidants.
Cet élan m’a profondément touchée. J’y ai vu l’occasion d’aller de l’avant, de donner du sens à ce geste et de le transformer en projet collectif.
En réfléchissant à la meilleure façon d’organiser cette aventure, nous avons eu envie de créer une association, pour donner un vrai souffle à notre démarche.
L’idée était aussi de la rendre visible, durable et participative. Nous voulions que d’autres puissent nous rejoindre, qu’ils soient ou non directement concernés par la maladie.
Le défi de Luc a suscité beaucoup d’émotion. Comment as-tu vécu ce voyage, jour après jour, en suivant les étapes, les paysages, les rencontres ?
Ce voyage a été une véritable immersion, riche en émotions et en découvertes.
Pour être honnête, seule, je n’aurais sans doute pas eu la force de me lancer dans une telle aventure. Mon quotidien est très pris pour de multiples raisons choisies !
Mais j’avais au fond de moi l’envie de faire quelque chose en lien avec la maladie, sans trouver de voie concrète.
Je me suis dit : « Cet appel, c’est l’occasion de voir autrement, de sortir du huis clos familial. Vas-y ! »
Ayant réussi à franchir ce cap, je suis convaincue que d’autres projets verront le jour par la suite.
Plus j’avance dans l’accompagnement de la maladie, plus je sens une force insoupçonnée monter en moi.
Ce voyage m’a aussi permis de franchir pour la première fois la porte d’unités fermées Alzeihmer (au sein des EPHAD) sans que cela soit lié à une contrainte ou à une urgence.
C’était donc une approche plus douce, plus humaine.
J’y ai vu une opportunité de “prendre le large” tout en apportant et en recevant de l’énergie auprès d’autres personnes – soignants, aidés, aidants, etc.
Au fil des kilomètres, j’ai ressenti une profonde émotion et une réflexion intérieure : j’étais à ma place, aider les malades est une voie que je souhaite explorer.
Les rencontres avec les soignants, les aidés, les aidants, les “sachants” ou non, m’ont nourrie.
Nous formions une belle équipe autour de Luc : un cuisinier, un vidéaste, un conducteur, un logisticien, des compagnons de route…
Chacun avait son rôle.
C’était, à mes yeux, une belle métaphore de la maladie : on avance mieux ensemble, entourés, épaulés.
Les paysages, parfois brumeux, parfois lumineux, me rappelaient par moment la maladie : après la pluie et le froid, il y a toujours une percée de soleil.
À nous de la voir, de la ressentir, de la savourer.
La France est belle, j’aime la parcourir et encore plus dans ce mode de voyage qui nous a changé de l’ordinaire !
Quand la maladie d’Alzheimer entre dans une famille, tout change. Quelles ont été pour toi les plus grandes difficultés, mais aussi les plus belles leçons que t’a transmises ta maman ?
Les plus belles leçons de ma maman remontent à avant la maladie.
Elle m’a appris à être indépendante, à aider les autres, à rester debout face à l’adversité.
Elle a toujours été tournée vers les autres – c’était une soignante dans un hôpital psychiatrique, généreuse et dévouée.
L’une des plus grandes difficultés a été d’accepter la maladie et son issue.
Mais sa force de vie, son don de soi, ont été pour nous un exemple.
Nous savions que nous n’allions pas traverser cela seuls.
Comme elle l’aurait fait, nous avons choisi de rester soudés.
J’ai aussi appris à accepter les différences au sein même de la famille.
Chacun réagit à sa manière : certains affrontent, d’autres se protègent, mais tous restent présents par le cœur.
C’est une leçon précieuse que je souhaite transmettre à mes filles.
Le carnet de voyage, réalisé par les résidents de l’EHPAD, t’a particulièrement émue. Qu’as-tu ressenti en découvrant leurs mots, leurs dessins, leurs couleurs ?
J’ai été profondément touchée.
Voir ce projet prendre vie à travers le dessin, les couleurs, les techniques utilisées… c’était émouvant.
Je connais la patience et la bienveillance nécessaires pour accompagner des personnes dont les capacités cognitives sont diminuées.
Le résultat était, pour moi, magnifique, à la hauteur de l’effort collectif.
Cela prouve qu’avec de l’adaptation, de la persévérance et beaucoup d’unité, tout devient possible. J’ai aussi apprécié échanger avec les résidents sur les anecdotes du voyage et la genèse du projet.
Ce carnet, c’est pour moi une mémoire vivante du projet.
Et si tu devais adresser un message à toutes les familles confrontées à cette maladie, que leur dirais-tu après cette expérience ?
Je leur dirais d’oser s’ouvrir.
De ne pas rester seuls.
Parler avec d’autres familles, échanger en dehors de son cercle proche, cela aide énormément.
Oui, cela demande de l’énergie, surtout quand on est fatigué, parfois épuisé.
Mais ces échanges redonnent du souffle.
Ils permettent de repousser les limites, de trouver des ressources qu’on ne soupçonnait pas.
Il faut être entouré pour avancer face à ce type de pathologie.
On ne peut pas lutter seul : il faut l’admettre et accepter la prise en charge.
Que ce soit avec des vidéos ou des dessins, l’art est au cœur de ce projet, qu’as-tu pensé de ces collaborations entre art, mémoire et émotions ?
Pour moi, l’art, c’est une échappée belle. J’y ai toujours été sensible, ma grand-mère maternelle nous enseignait les arts plastiques à l’école et j’ai choisi cette option pour mon diplôme du bac.
Il permet de laisser une trace, de transformer la matière, de s’évader.
Ce projet en est la preuve : à travers les dessins, les vidéos, chacun a pu exprimer sa sensibilité.
J’ai hâte de voir les émotions des participants quand ils découvriront le carnet terminé – notamment celles de Luc, à l’origine de cette aventure.
Ce sera un juste retour des choses pour lui.
Et puis, mettre à l’honneur les résidents, leur donner la parole sur le salon, c’est aussi leur rendre ce qu’ils nous ont offert.
J’espère que le public sera touché.
Car au premier abord, faire illustrer un voyage à vélo par des personnes âgées peut sembler insolite… et pourtant, le résultat est une belle réussite.
Le rendez-vous du carnet de voyage de Clermont-Ferrand, référence en la matière a souhaité nous accueillir, en quoi cette étape est-elle importante pour ce voyage vers la mémoire ?
C’est une belle reconnaissance ! Je suis contente que cela soit en Auvergne, le point de départ de notre aventure.
Ce salon est une référence. Être invités, c’est une chance et une grande fierté.
Cela nous permet de concrétiser le projet, de valoriser le travail accompli et de remercier toutes les personnes impliquées.
C’est aussi une ouverture : rencontrer d’autres porteurs de projets, échanger, imaginer la suite.
Comme dans la maladie, rien n’est encore écrit, tout se construit pas à pas, au fil des rencontres.
MERCI Lucie 💜
Portait de Myriam Chavarot
Animer des ateliers avec des séniors, leur proposer des activités originales, les aider à entretenir leurs facultés cognitives et motrices : voici le cœur du métier de Myriam.
Un métier qu’elle exerce brillamment depuis de nombreuses années.
À travers deux projets menés en commun, nous avons su travailler efficacement ensemble pour aboutir au résultat que vous découvrez aujourd’hui.
Myriam, tu as accompagné les résidents tout au long de ce chemin artistique. Comment as-tu vécu cette nouvelle aventure après la précédente création collective que nous avions vécu ensemble ?
Cette nouvelle aventure a été une belle bulle d’air dans mon métier d’animatrice. C’était très agréable et enrichissant autant professionnellement qu’humainement.
Tu accompagnes les résidents de l’EHPAD depuis plusieurs années dans différents projets dont des projets culturels. Certains ont écrit, d’autres peint, cousu, collé, comment as-tu appréhendé ce défi collectif où chacun devait contribuer en fonction de ses envies, capacités motrices et cognitives ?
C’était un beau projet collaboratif inédit. Nous sommes tous sortis de nos zones de confort. Ce n’était pas évident à mener mais nous y sommes arrivés. On a travaillé la créativité, la motricité fine, la réminiscence, la patience.
Quel impact ce projet a-t-il eu selon toi sur les participants, d’un point de vue estime de soi, d’un point de vue moteur, d’un point de vue cognitif, d’un point de vue collectif et sur la mémoire bien entendu ?
Cela leur a fait grandement plaisir, à chaque rencontre ils t’attendaient, ils étaient volontaires pour participer. Ils ont été valorisés dans leurs actions car nous avons réussi à puiser dans les possibilités de chacun.
Et toi, personnellement, que gardes-tu de cette aventure notamment sur notre collaboration ?
Tu es une très belle rencontre humainement et professionnellement ! Je suis ravie que tu ais accepté ce nouveau partenariat, je te remercie encore pour ta patience, ton adaptation, ta compréhension et surtout pour ta gentillesse / bienveillance envers les résidents également. J’espère qu’on pourra à nouveau collaborer.
Pourquoi intégrer des pratiques artistiques dans un Ehpad et question bonus, l’art peut-il soigner ?
Les pratiques artistiques sont à mon sens indispensables au bien-être physique et psychologique des résidents. L’art peut soigner, j’en suis convaincue car l’animation au sens large du terme est un soin de l’esprit. Il se complète bien avec les soins du « corps ».
Portait de Françoise Soupel
Venue en soutien à ce projet grâce à ses compétences en reliure de livres anciens, Françoise Soupel œuvre depuis des années, pour sa famille comme pour les autres. Passionnée de langues et de littérature, elle n’a de cesse d’ouvrir son entourage au monde, avec générosité, curiosité et bienveillance.
Je me doutais que ce projet altruiste l’intéresserait. Sa contribution a marqué l’aboutissement de ce carnet de voyage, en incarnant la dernière étape : la mise en forme finale de cette belle aventure collective.
Françoise, quand tu as découvert ce projet, qu’est-ce qui t’a donné envie d’y participer ? Était-ce le lien avec la maladie, le voyage, ou la beauté du geste collectif ?
Tout d’abord j’ai été flattée que Lucie me propose de participer à un projet commun. J’admire son travail et je trouvais le défi passionnant même si la barre me semblait très haute. Ensuite, l’idée d’un geste collectif, avec des personnes dont on oublie souvent les talents, m’a plu. Les carnets de voyage ml passionnent aussi, et il me paraissait évident d’accepter.
En travaillant sur ce carnet, tu as eu entre les mains des pages remplies d’émotion. Comment as-tu vécu ce moment si particulier de “mise en forme” de souvenirs ?
J’ai d’abord regardé le carnet comme un ouvrage technique, il fallait penser au montage sur onglets, penser à des tas de petits détails. Ensuite, au fur et à mesure que je travaillais dessus, je relisais les pages, j’observais les dessins et y trouvais chaque fois une nouvelle émotion. Puis j’ai eu l’impression de connaître la famille de Françoise, la maman d’Élise atteinte de la maladie d’Alzheimer, de partager les émotions de Luc, et d’entendre les rires et les mots des personnes qui ont réalisé les dessins et les textes. Et de les connaître.
Relier un livre, c’est souvent un geste très intime. Est-ce que cette création t’a fait ressentir quelque chose de différent, comme si tu reliais aussi des vies, des visages, des parcours ?
Voilà c’est exactement ça, J’apprenais à connaître tous ceux qui ont réalisé le carnet. En reliure, on sent les fibres du carton, du papier, on habille le livre d’abord avec des dessous qu’on ne voit pas mais qui sont essentiels, puis on choisit la couverture, les cuirs, les décors, c’est très agréable et en effet on finit par vivre avec le carnet, avec ce qu’il contient. On est liés.
Toi qui es passionnée de littérature et d’art, est-ce que cette aventure t’a inspirée pour d’autres créations ou d’autres collaborations ?
Alors oui, cette aventure m’a donné envie de réaliser des projets personnels qui sortent un peu de la reliure classique. En dehors des concours de reliure auxquels je participe j’ai à cœur de monter un carnet textile pour mettre en valeur une collection de petits marquoirs anciens, ces petites broderies rouges que réalisaient les écolières à l’école, il y a plus d’un siècle. Et bien sûr, je répondrai présente si on me propose une autre collaboration de ce genre.
Si tu devais offrir ce livre à quelqu’un, à qui le remettrais-tu, et que voudrais-tu qu’il y lise avant tout ?
Peut-être l’offrir à une bibliothèque, ou à une maison qui accueille des personnes âgées ou malades. Je sais que l’art et la création sont importants dans les hôpitaux et autres lieux de rééducation, un de mes enfants a été hospitalisé pendant de longues années, le dessin et la lecture l’ont aidé pendant ces longs mois. Maintenant elle écrit des livres et soutient les jeunes malades. C’est essentiel. Construire un projet, donner envie de créer, d’imaginer.
Enfin, comment as-tu perçu notre collaboration sur ce projet ? Qu’est-ce que mon regard d’artiste a, selon toi, a apporté à la beauté et à la sensibilité de l’ensemble ?
J’ai adoré participer à ce projet, et j’avais l’impression d’avoir le regard bienveillant de Lucie par-dessus mon épaule, comme une lumière chaude, qui me veillait. C’était très stimulant, et je sais qu’elle a su guider chacun dans chaque étape du carnet, dans chaque dessin, chaque idée poétique.
On retrouve à chaque page un petit geste d’elle, on sent sa main qui a guidé les plus timides, son humour et les éclats de rire à chaque nouvelle idée. Toute sa sensibilité est dans ce carnet. Et je l’en remercie.

